Salon du Bourget 2015 : Airbus et
Boeing misent sur les avions écolos (et des biocarburants à l'huile de friture)
Poussée par les prix élevés du pétrole et contrainte par ses
propres engagements en matière d'environnement, l'industrie aéronautique est lancée
dans une course à l'innovation pour réduire la consommation des nouveaux avions
de ligne, en attendant l'envol des biocarburants.
A en croire Boeing, l'avion "aussi
efficace qu'une voiture électrique" est pour demain. L'avionneur américain assure que son 737 MAX, dont le premier
vol est prévu l'an prochain, consommera entre 2,1 et 2,4 litres de carburant
aux 100 kilomètres par passager, soit 20% de moins que les modèles "Next
Generation" lancés à la fin des années 90.
Avant même d'avoir été démontré, l'argument de la performance
énergétique a fait mouche sur le plan commercial: le futur moyen-courrier de
Boeing, qui doit entrer en service en 2017, a déjà été commandé à plus de 2700
exemplaires.
L'A320neo de son rival européen Airbus, qui promet une
consommation réduite de 15% par rapport à son prédécesseur, fait encore mieux
avec près de 3800 ventes à quelques mois de sa première livraison. Le groupe
européen tente de reproduire ce succès avec le long-courrier A330neo, lancé en
juillet dernier.
L'américain GE Capital Aviation a passé commande de 60
appareils, pour un montant catalogue de 6,37 milliards de dollars, a annoncé
Airbus dès le premier jour du salon du Bourget. Ces 60 appareils seront dotés
de moteurs de nouvelle génération Leap de CFM International, la coentreprise de
General Electric et Safran, précise Airbus. L'A320neo doit entrer en service cette
année avec des moteurs Pratt & Whitney et, en 2017, avec des moteurs Leap.
De nouveaux designs conçus pour
optimiser la consommation
Nouveaux moteurs, ailettes incurvées
pour réduire la traînée, matériaux composites et équipements allégés...La
recette est la même pour tous les constructeurs, y compris les outsiders. Le Brésilien Embraer, numéro 3 mondial du secteur, annonce une
nouvelle gamme E-Jet E2 plus économe en carburant de 16% à 24% à partir de
2018, tandis que le CSeries du canadien Bombardier sera exploité à partir de
cette année, avec une consommation diminuée de 20%.
"Les trois quarts de notre R&D (recherche et
développement) sont liés à l'amélioration de la performance écologique de nos
produits", souligne Julie Felgar, responsable de la stratégie
environnementale de la division aviation commerciale de Boeing.
A six mois de la 21e conférence des Nations Unies sur le climat
(COP-21), qui se tiendra également au Bourget, le salon aéronautique servira de
vitrine aux initiatives du secteur. La journée du jeudi 18 juin y sera
consacrée, en présence des ministres de l'Environnement, Ségolène Royal, et des
Affaires étrangères, Laurent Fabius.
Objectif: réduire de 50% les rejets de CO2 en 2050
"Nous pensons toujours aux moyens d'être plus
efficaces", résume Paulo Cesar Silva, patron de la branche avions de ligne
d'Embraer, qui rappelle que "l'industrie s'est engagée à réduire les
émissions" de gaz à effet de serre.
Il reste cependant fort à faire pour atteindre l'objectif de
réduction de 50% des rejets de dioxyde de carbone (CO2) en 2050 (par rapport à
2005) fixé par l'association internationale du transport aérien (IATA).
Une gageure, alors que le trafic aérien devrait plus que doubler
en vingt ans, passant de 3,3 milliards de passagers en 2014 à 7,3 milliards en
2034 selon IATA. Les seuls efforts de l'industrie aéronautique ne suffiront
donc pas à atteindre la cible.
Une partie de la solution viendra du contrôle aérien, avec de
nouveaux outils techniques de gestion du trafic (projets NextGen aux Etats-Unis
et Sesar en Europe) qui permettront de calculer des trajectoires de vol
optimales en temps réel.
Huiles de friture ou de moutarde, l'avenir est aux biocarburants
L'utilisation de moteurs électriques en phase de roulage, ou
"green taxiing" est par ailleurs envisagée pour limiter l'utilisation
des turboréacteurs. "Un vol parfait ferait économiser 30% de carburant,
grâce à l'optimisation du temps passé dans les airs et au sol", affirme
Marwan Lahoud, directeur de la stratégie d'Airbus Group.
Une marge d'amélioration conséquente,
mais pour tenir ses engagements, l'aviation devra en outre se convertir
massivement aux biocarburants. En quelques années, constructeurs et compagnies
aériennes ont réussi à faire voler des avions avec des huiles de friture, de
caméline ou de moutarde.
Fin 2014, Boeing annonçait son premier vol avec 15% de
"diesel vert", produit à partir d'huiles végétales, d'huiles de
cuisson usagées et de déchets de graisses animales. Air France exploite même
depuis octobre un vol Toulouse-Orly par semaine avec 10% de farnesane, un
dérivé de la canne à sucre développé par Total et Amyris.
Ces carburants alternatifs sont cependant relégués à un usage
marginal, les matières premières étant destinées en priorité à
l'agroalimentaire.
"Dès lors qu’on trouvera des filières qui ne sont pas en
concurrence et qui deviennent compétitives, je pense qu’on y parviendra",
prédit Fabrice Brégier, directeur exécutif d'Airbus. Sans se risquer toutefois
à avancer une date.
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